Le week-end dernier (18-19.07.14), nous avons eu la chance de rencontrer David Belle et Sébastien Foucan, ici même, à Lausanne. Voici un bref résumé de la raison de leur venue, et de ce qui s’est dit durant ces journées.
Vendredi 18 juillet, David et Sébastien se sont rendus au CIO (Comité International Olympique) à Lausanne, pour leur présenter le parkour et le freerunning. Le CIO a d’évidence dû être impressionné : ce n’est pas tous les jours qu’ils rencontrent les fondateurs d’une discipline sportive ! De plus, cela représente pour eux une chance de redonner une dynamique au sport institutionnel, qui est resté le même trop longtemps, commence à s’essouffler et mériterait d’évoluer en s’inspirant des modèles alternatifs dont le parkour et le freerunning sont parmi les meilleurs exemples.
Une cinquantaine de traceurs de la région, mais également de France, Espagne, Danemark et Suède les attendaient à la sortie de leur réunion. Après avoir regardé la scène amusante de Sébastien, fou de joie, courant et sautant partout, se jetant dans la fontaine, grimpant à toute vitesse dans un arbre puis redescendant pour aller piquer une tête dans le lac, nous avons pu discuter avec Mark Cooper, ancien collaborateur du CIO, qui accompagne David et Sébastien dans leurs démarches et projets associatifs.
Pour les fondateurs, le but est d’obtenir une reconnaissance institutionnelle du parkour/freerunning. Cela permettrait d’obtenir bien plus facilement des subventions pour des associations ou des évènements, une intégration dans les programmes scolaires, etc. bref, de mettre le parkour au même niveau que les autres pratiques sportives, ce qui est beaucoup plus difficile sans reconnaissance du CIO. Pour ce faire, il faudrait que 50 pays de par le monde reconnaissent le parkour au niveau national. Pour l’instant, ce nombre s’élève à 11, il reste donc du chemin à faire. Etant par exemple statué, ici à Lausanne que ne peuvent bénéficier de subventions et d’aides uniquement les associations et clubs sportifs appartenant « à une fédération sportive nationale », il parait clair que la reconnaissance institutionnelle est une condition nécessaire au développement de la discipline à large échelle.
Le but est également de pouvoir mettre le parkour au service de l’humanité, notamment par des interventions humanitaires, étant donné qu’il est très accessible, ne nécessite aucun matériel, et permet aux individus de reprendre confiance en eux, entre eux, et en leur environnement, en plus de développer des qualités physiques exceptionnelles. C’est un projet qui a toujours intéressé les fondateurs, mais qui serait largement facilité par la mise en place d’un réseau de contacts, que permettrait la reconnaissance institutionnelle de la discipline.
Ce projet porterait le nom de « Fédération Internationale de parkour », pour correspondre au format du CIO. Mais David et Sébastien préfèrent parler d’un « mouvement » international. En effet, le but n’est pas la codification, la règlementation des disciplines, la compétition, la mise en place de sponsors, d’un système de licences ou de qualification universelle pour les coachs/entraineurs/enseignants de parkour. Il s’agit de faire reconnaitre la discipline à part entière avant que d’autres individus ne s’en emparent pour leurs intérêts personnels (WFPF, Parkour Generations et d’autres ont de tels projets en cours). David et Sébastien ont la légitimité et la force symbolique pour le faire, bien plus que n’importe quels autres individus ou groupes. A noter que, bien qu’il n’était pas présent à Lausanne, Charles Perrière fait également partie de ce projet.
S’est ensuivi un débat sur la compétition, avec notamment une intervention de Tim Shieff. Comme d’habitude, le nombre d’intervenants, le peu de temps et le manque de préparation n’ont pas permis d’élever le débat au niveau qui serait utile actuellement. La question de la compétition reste ouverte. Elle se fait déjà, et une reconnaissance institutionnelle du parkour et du freerunning ne pourrait pas l’arrêter (et cela ne fait pas partie des objectifs de ce projet), mais permettrait probablement de travailler à des formes compétitives, ou d’autres types de spectacle marchandisable plus représentatifs du parkour, plus positif (ou moins négatif selon le point de vue) pour la discipline. S’il y a bien un élément qui mérite réflexion aujourd’hui, c’est celui-ci.
Il reste cependant pour nous d’autres questions en suspens : comment une reconnaissance de la discipline, une formation d’enseignants reconnus, des compétitions, bref une institutionnalisation de certains éléments de la discipline pourrait-elle se faire sans codification, réglementation, universalisation, normalisation ? Quels sont les intérêts économiques, politiques et personnels qui vont entrer en jeu dans cette entreprise, et comment vont-ils influencer la concrétisation de ce projet, poussant à faire des concessions, etc. ? Si le principe et les idées directrices de ce Mouvement International pour le parkour semblent capables d’amener beaucoup de bonnes choses, son application concrète semble pour l’instant floue et improbable. Mais cela ne va certainement pas se faire du jour au lendemain, on a donc le temps de réfléchir aux possibilités qui nous sont offertes, et dans l’attente continuer à développer le parkour à notre façon et avec nos propres moyens.
Le lendemain, le samedi 19 juillet, a permis aux discussions de s’arrêter et au mouvement de commencer. Rendez-vous à 10h à la fontaine du CIO, à Vidy, pour un échauffement d’une demi-heure orchestré par Tim Shieff, qui venait de terminer l’interview de David (disponible ici: https://www.youtube.com/watch?v=ZXVvjtG2H8c). Une photo de groupe sur la fontaine, avant de se déplacer en direction des ruines romaines de Vidy. Là, les traceurs ont pu bouger à leur convenance. On a pu remarquer la distance respectueuse que les traceurs marquaient avec David, présent durant toute la matinée. Quelques-uns sont allés discuter avec lui individuellement pendant que les autres bougeaient, puis, à un moment donné, un grand cercle s’est assemblé devant David qui discutait avec un traceur. Il a alors changé d’interlocuteur pour s’adresser au groupe entier, avec quelques rappels des valeurs et principes qui lui sont chers : bouger et être soi-même, s’inspirer des autres mais ne pas les copier intégralement ; être fort pour être utile ; être capable de pouvoir bouger sans avoir besoin de s’échauffer afin d’être toujours prêt ; écouter son corps… il a également mentionné qu’il était content d’être là et de voir tout le monde bouger.
Avant de partir, il a confirmé qu’il avait eu du plaisir à voir que les traceurs n’étaient pas venus uniquement pour le voir, mais bien pour bouger et partager un moment ensemble. Il a précisé qu’il reviendrait à des évènements, ici ou ailleurs, probablement à l’improviste, sans annonce publique, afin de ne pas provoquer d’attente et de créer une petite surprise pour les traceurs s’y étant déplacé. On risque de le revoir, donc !
En début d’après-midi, un groupe est resté avec Natalia Ivanova pour un workshop aux ruines romaines pendant que les autres traceurs se dispersaient à travers la ville pour profiter des différents spots jusqu’en fin d’après-midi.
Toute la journée s’étant déroulée dans le calme, le respect et la bonne humeur, sous un grand soleil, et sans incident notable, on peut considérer que ce week-end était une réussite totale et que nous sommes prêts à renouveler l’expérience 😀
Merci encore à tous les traceurs présents, et à bientôt !
Parkour Lausanne